PRESSE | (France-Antilles) Max Orville présente son projet de « zones franches sociales » dans les RUP

L’eurodéputé martiniquais veut faire adopter par le Parlement européen une résolution permettant de défiscaliser les salaires dans le secteur privé dans les régions ultrapériphériques, afin de doper la création d’emplois dans ces territoires en proie à un chômage élevé.

Exonérer les salaires de cotisations sociales afin de stimuler l’emploi dans les régions ultrapériphériques (RUP) de l’Union européenne : c’est la proposition phare du projet de « zones franches sociales », porté par l’eurodéputé martiniquais Max Orville. Ce projet pourrait être adopté d’ici avril par le Parlement européen, selon l’élu Renaissance, qui a rejoint l’hémicycle bruxellois en juin dernier, pour un mandat écourté de deux ans. La mesure d’exonération est la première des cinq propositions contenues dans un avis de Max Orville, adopté le 6 février dernier par la commission de l’emploi et des affaires sociales du Parlement européen, par 35 voix pour, 0 contre et deux abstentions. « J’ai fait voter à l’unanimité cet avis sur l’emploi », se félicite M. Orville, qui siège à Strasbourg et à Bruxelles au sein du groupe Renew Europe, la famille de partis centristes, pro-européens et à tendance libérale, à laquelle appartient la formation d’Emmanuel Macron. L’adoption d’un avis en commission ouvre la voie à un vote du Parlement européen en plénière pour l’éventuelle adoption d’une résolution par les eurodéputés.

Le projet porté par Max Orville vise à stimuler le marché de l’emploi dans les neuf RUP, à savoir six régions et collectivités ultramarines françaises – Guadeloupe, Guyane, Martinique, Saint-Martin, Mayotte et Réunion – ainsi que deux régions portugaises – Madère et les Açores – et l’archipel espagnol des îles Canaries. Le principe des zones franches sociales consiste à « défiscaliser le travail », résume l’eurodéputé martiniquais, qui effectue un déplacement aux Antilles cette semaine. Max Orville propose d’« exonérer les entreprises des charges salariales ». Un allègement qui permettrait aux salariés de percevoir l’intégralité de leur salaire brut, sans aucune déduction sociale. « Globalement, c’est une augmentation de votre salaire, dans votre de poche, de 20%. Donc c’est du pouvoir d’achat en plus », souligne le président du MoDem Martinique. Une bouffée d’air pour les salariés ultramarins, afin de « relancer le moteur de la consommation, qui est en panne », observe l’élu centriste.

Inciter les entreprises à embaucher

Max Orville propose néanmoins d’aller encore plus loin dans les allègements sociaux. « Je demande également l’exonération des charges patronales pour les entreprises », souligne-t-il. La suppression des cotisations patronales devrait inciter les entreprises à embaucher. « Ce sera la condition pour que le système se mette en place : que les entreprises jouent le jeu, c’est-à-dire qu’elles recrutent. Ce n’est pas juste un cadeau », précise l’eurodéputé, qui souhaite « une garantie » de la part des entreprises afin qu’elles « embauchent davantage » et « participent à la formation » de la population active. De quoi favoriser l’emploi dans les régions ultrapériphériques, en proie à un chômage élevé (voir encadré).

L’approbation de ces avantages fiscaux par la Commission européenne est conforme avec l’article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui prévoit que des mesures spécifiques puissent être mises en œuvre dans les RUP. Parmi les mesures prévues par le traité de Lisbonne figure la création de zones franches, comme il en existe déjà, d’ailleurs, à Madère ou aux îles Canaries (voir encadré). Mais pour Max Orville, une implication du Parlement européen était nécessaire afin de faire sauter « un verrou européen » qui pourrait être invoqué par Paris pour s’opposer à des mesures similaires dans les outre-mer français si elles étaient réclamées par les élus ultramarins.

La proposition de Max Orville est encore loin, cependant, de se traduire réellement par une disparition des cotisations sociales en Martinique et dans les autres régions ultramarines. En effet, il faut encore qu’elle soit adoptée en plénière par le Parlement européen. Une étape qui pourrait intervenir dès le mois d’avril prochain, après son adoption à l’unanimité en commission des affaires sociales. Cependant, la résolution des eurodéputés n’aura pas de valeur contraignante, et il restera encore un obstacle de taille à surmonter : le vote d’une loi en France. « Il appartiendra aux gouvernements et aux parlementaires de bien peaufiner la loi pour qu’elle soit la plus efficace et la plus juste possible », souligne l’eurodéputé martiniquais. Notamment, que la mesure réponde à son objectif initial qui est de « privilégier l’emploi local », tout en évitant les effets d’aubaine.

Un taux chômage au-dessus de la moyenne nationale dans les RUP

Malgré la diminution du nombre de demandeurs d’emplois comptabilisés par Pôle Emploi au niveau national, le taux de chômage demeure élevé dans les outre-mer. Chez nous aussi, le chômage a certes amorcé une décrue notable ces dernières années, mais l’écart avec l’Hexagone ne s’est guère resserré. Ainsi, alors que 7,1% de la population active française était en recherche d’emploi en décembre 2022 selon Eurostat, le taux de chômage dans les territoires ultramarins affichait des valeurs nettement supérieures en 2021, dernière année pour laquelle des données officielles européennes sont disponibles à l’échelon régional : 12,8% en Martinique, 14,6% en Guyane, 17,1% en Guadeloupe et 17,9% à La Réunion. À Mayotte, les chiffres de 2020 font même état d’un taux de chômage de 27,8%.

Les autres régions ultrapériphériques (RUP) sont également concernées par ce caractère endémique du chômage. Ainsi, les îles Canaries affichaient un taux de chômage de 23,2% en 2021, toujours selon Eurostat, soit 10 points de plus que le taux national pour l’Espagne. Au Portugal également, avec un taux de chômage de 7,2% et 7,9% respectivement, les Açores et Madère font légèrement moins bien que la moyenne nationale de 6,7%. Un état de fait d’autant plus paradoxal que ces deux territoires insulaires, autonomes depuis les années 1970, ont la particularité de faire partie des régions les plus riches du pays. Une situation exceptionnelle qui les distingue des autres RUP.

À Madère, un taux d’imposition de 5% pour les sociétés

De telles zones franches existent déjà peu ou prou dans les RUP portugaises et espagnole, en conformité avec l’article 349 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui définit le caractère particulier des régions ultrapériphériques de l’UE. 

Ainsi, la zone franche de Madère, ou CIAM, a été créée en 1986, l’année où le Portugal a adhéré à l’UE.

Les avantages fiscaux approuvés pour Madère sont considérés comme des aides d’État en vertu du droit européen et soumis à l’approbation de la Commission. 

Depuis les années 1980, les avantages fiscaux de la zone franche de Madère ont évolué. Leur principe de base est la réduction des taux d’imposition des sociétés dans le code fiscal portugais. Le taux d’imposition des sociétés applicable pour les sociétés agréées est de 5% du revenu imposable. Toutefois, si la société exerce des activités commerciales avec d’autres sociétés portugaises qui ne sont pas autorisées à opérer dans le CIAM, le taux d’imposition sur les bénéfices passe à 20%.